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Neouma
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15 février 2014

Anthologie de Tanger V/X

"Maxwell et Cabell sortirent de l’hôtel Nicaragua et remontèrent l’avenida de Espana. C’était le quartier de Maxwell ; il connaissait tous les petits cafés espagnols du coin. Quand il fit entrer Cabell dans certains d’entre eux, il fut un peu étonné de constater que les patrons de ces établissements et les putains des deux sexes qu’ils y rencontraient s’avançaient pour lui dire bonjour. Maxwell déclara qu’il avait toujours cru que Cabell menait une vie rangée, mais qu’apparemment il était au mieux avec toutes les prostituées et tous les mauvais garçons de l’avenida de Espana.

Près de la station d’autobus, ils tombèrent sur une loterie ambulante, un immense stand qui exposait des postes de télévision et de radio, des poupées de matière plastique, des verres, de la vaisselle, toutes sortes d’ustensiles de cuisine étincelant –selon Maxwell toutes les saletés bien brillantes d’Europe et d’Amérique que les Marocains adorent. De grands haut-parleurs grésillants dégorgeaient une musique tonitruante et, sur une estrade devant la vitrine, un Noir dansait et articulait les paroles de la chanson. Maxwell n’avait pas envie de s’arrêter, mais Cabell insista pour qu’ils restent quelques minutes. Derrière le danseur, des roues de loterie tournaient et les numéros étaient aboyés par une fille musclée qui portait des anneaux aux oreilles, un collier rouge et une longue robe flottante. Maxwell discerna de la barbe sous son maquillage et Cabell reconnut un des boxeurs locaux. Normalement les affiches l’annonçaient comme Abdelkader l’Intellectuel, champion de Mexico et  d’Amérique du Sud (aspirant). Cabell l’avait vu se produire au club Neptuno. Puis deux jeunes Espagnols arrivèrent et lancèrent la roue devant une foule silencieuse et attentive. Maxwell commençait à remarquer des figures connues autour de lui ; plusieurs essayaient de croiser son regard, souriant et lui adressaient des signes de tête. C’était des gens de la nuit, des clochards de la gare des cars, des enfants insomniaques, des clients de ces cafés toujours ouverts qui n’ont rien à faire et nulle part où aller. Ils forment une espèce de club, se réunissent au Petit Socco et dans les bars qui bordent l’avenida de Espana. Leur journée commence quand le soleil se couche derrière la mosquée du Grand Socco et se termine quand il se lève au-dessus du cap Malabata. Ils assistent à toutes les aurores ; ils connaissent les heures fraîches de la nuit, et, aux coups d’œil dirigés vers Cabell, Maxwell constatait qu’il n’était pas un inconnu, lui non plus, pour certains éléments de cette foule peu recommandable."

 

                                                                              Les mouches de Tanger, Jhon Hopkins (pp. 341,342)

 

hopkins

         Le récit fait apparaître Tanger comme un espace de déchéance morale. Les types de personnages mis en scène représentent des êtres peu recommandables. A la tombée de la nuit, le corps devient un objet de commerce dans cet espace malsain. Le récit conduit à méditer sur cette micro-société marginalisée. Les dernières lignes du texte retracent un tableau où sont peints des êtres misérables, souffrants, solitaires et démunis. Le caracère pathétique de la scène met le doigt sur la misère humaine...

 

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Commentaires
T
Le titre à lui seul résume le roman! Cela dit, Tanger rime avec danger comme toute auberge espagnole...<br /> <br /> Bonne fin de semaine chal-heureuse!
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